Samedi 10 septembre avait lieu le premier atelier d'écriture de la saison 2022/2023 à la médiathèque de Saint-Sulpice de Faleyrens.
Le but de l'atelier était d'incarner un objet du quotidien de son choix.
Exercice 1 : l'écriture d'une énigme
Avant de se lancer dans la première phase, tout le monde devait choisir (mentalement) un objet sur lequel il souhaitait travailler.
Afin de faire connaissance avec cet objet (se mettre à sa place, comprendre son quotidien, son environnement etc...), nous avons travaillé sur l'écriture d'une énigme en respectant 5 étapes :
Je vis... : en 2 ou 3 phrases, décrire le lieu où est entreposé l'objet (4 minutes d'écriture).
De là où je suis, je vois... : en 2 ou 3 phrases, décrire ce que l'objet voit au quotidien (4 minutes d'écriture).
Parfois, je... : donner des exemples d'actions réalisées par l'objet en débutant ses phrases par parfois, souvent, toujours ou jamais (5 minutes d'écriture).
Un jour viendra... : l'objet envisage son futur, exprime ses émotions quant à son avenir.
Je suis... : définir l'objet en une métaphore (4 minutes d'écriture).
Durant 10 minutes supplémentaires, chacun a pu retravailler son texte, le structurer, l'alléger, le rallonger ou changer l'ordre des phrases.
Exemples d'énigmes écrites durant l'atelier
Je vis tout l’hiver bien au chaud à coté du feu.
Je vis suspendu en été.
Je vis, un grand moment tous les jours, entre les mains de ma maîtresse.
De là où je vis, je vois, selon les saisons, de la verdure, le chien qui dort et des
humains qui s’agitent.
Parfois, je détruis les jolis voiles tissés dans les coins.
Toujours, je laisse derrière moi la lumière que le jour dépose dans la maison.
Jamais, je ne mets les pieds dans l’eau.
Un jour viendra, où une partie de moi sera usée et il faudra la remplacer. Mais
l’autre partie, je crois bien, pourra être éternelle.
Je suis le magicien qui rassemble ce que les chaussures et les pattes du chien
déposent sur le carrelage.
Mariette - Le balai
Je vis parfois caché, parfois exhibé aux yeux de tous. Je vis chaque jour dans des
lieux différents mais dors toujours au même endroit.
De là où je suis aujourd'hui, juste avant d'aller promener, je vois deux rectangles de
jour et repose sur une surface douce.
Parfois lourd, parfois léger, je ne suis jamais inutile.
Un jour viendra où, démodé, on me remplacera. On pourrait me faire disparaitre
mais je préfère envisager une deuxième vie plus ludique.
Je suis le gardien de l'identité, des secrets, du nécessaire...
Marianne - Le sac à main
Détaché ou arraché j’ai oublié mais depuis que j’ai la sensation que je vis je ne cesse de découvrir des horizons changeants ; je suis secoué transporté par les éléments et ce de plus en plus vite me semble-t-il.
Je ne vis pas seul et avec mes compagnons nous sommes ballotés on se heurte se bouscule sans mot en musique.
Je vis avec eux.
Comment sont-ils ceux qui voyagent avec moi ? gris blancs noirs pour la plupart ; au fil du temps leur silhouette à tendance à s’affiner leurs traits se font plus lisses.
S’il m’arrive de toucher le fond je refais surface dans un paysage autre… de là où je suis c’est devenu plus vert maintenant et si j’ai bien entendu on appelle ça des pâturages dans lesquels bêlent des boules blanches tête baissée.
Mais revenons à nos moutons… moi je me laisse porter toujours dépendant de l’élément dans lequel j’évolue ; je n’oppose jamais de résistance d’ailleurs je ne saurai pas et réalise que c’est souvent de plus en plus confortable d’aller ainsi. D’ailleurs il m’arrive même de penser parfois que si seulement j’avais un pied je pourrais affirmer « je prends mon pied ! »
Un jour viendra mais pas d’alarmisme où mon intégrité s’abîmera. Je vois bien que certains de mes compagnons à s’entrechoquer ont éclaté sont devenus méconnaissables ; d’autres lanternent parfois ou s’immobilisent ; j’en perds de vue…
Bref, devenu tout petit et tout blanc je suis un de ceux que les enfants perdus par leurs parents ont mis dans leurs poches et sèment pour retrouver le chemin de la maison.
Geneviève-Hélène - Le caillou
Exercice 2 : le développement d'un autre texte
A partir de la matière première offerte par l'énigme, chacun pouvait inventer une histoire autour de son objet. Plusieurs formes pouvaient être explorées : le texte poétique (en rimes ou en prose) ou le récit court (la nouvelle).
A titre d'exemple, j'ai lu quelques vers de la chanson Les aventures extraordinaire d'une billet de banque de Bernard Lavilliers.
Les poèmes écrits pendant et après l'atelier
Je vis en liberté,
Je vis dans la clarté,
Ou je vis dans le noir, enfermé.
Je vois de grands rectangles blancs,
Couverts de signes épatants,
Je vois beaucoup d’autres MOI,
Sagement rangés ou de guingois.
Parfois je suis le poseur de ses pensées,
Souvent, l’exutoire de ses humeurs,
Jamais responsable de ses erreurs.
Eh! M’avez-vous bien regardé?
Je suis le cadeau d’Alizée,
Je suis le cygne noir de l’Opéra,
Je glisse sur le papier,
Comme un patineur sur un lac gelé.
Je suis partout chez moi,
Je cours d’articles en certificats,
De documents en imprimés,
De petites notes en doux billets,
Sans oublier les mots fléchés.
Si j’aime la pression de ses doigts,
Etre porté à la bouche, je n’apprécie pas,
J’aime être à son service,
Mais je déteste les sévices.
La chaleur de sa main réchauffe mon cœur froid,
Et quand elle m’anime, je redeviens Moi,
Je m’amuse à buter, à la faire gribouiller,
Sur des obstacles imaginés sur la feuille immaculée.
Je suis le Messager des bonnes nouvelles,
Celui qui permet de poser ses idées,
Ou de remplir les formulaires A et B.
Je suis l’ogre dévoreur de papier,
J’écris, je barre, je rature,
Car du Stylo, c’est la Nature.
Un jour viendra ou je serai usé,
J’aurai tout donné, je me serai vidé,
Dans ma veine unique, mon sang aura séché,
Ce jour viendra, où elle me jettera.
Si j’appréhende la fin de ma vie,
Les recharges, ça existe aussi,
Et je serai heureux de l’accompagner,
Dans ses délires couchés sur le papier.
Véronique L. - Le stylo
Né dans un atelier haut de gamme,
Paré de couleurs chatoyantes,
J'ai été admiré, convoité,
On a succombé à mon charme
J'ai su combler une élégante
Qui quelque temps m'a adulé.
Pas une sortie où je ne sois convié,
Pas un jour où je ne sois lustré !
J'étais fier de mon ascendant
sur mes partenaires délaissés,
Fier de ma beauté convoitée
Objet d'attentions permanentes.
Ma principale qualité
C'est ma peau de chevreau veloutée
Qui induit mon principal défaut
Mon extrême fragilité.
Las, seule ombre au tableau
Le chat de la maisonnée.
Prit-il ombrage de mon succès,
Des soins qui m'étaient prodigués ?
Le jour où ma vie bascula
Le rusé matou m'accula
Dans un recoin du canapé
Et de ses griffes acérées
A jamais me défigura.
Depuis lors mon élégante
Dans le grenier m'a délaissé
Et aujourd'hui je sers de tente
A de malingres araignées.
Je revois ma vie trépidante
Sur les coussins de la Bentley
Au bras de mon épatante
Dans les salons et les musées.
De battre mon cœur s'est arrêté.
Mais voilà, contre toute attente
Que des pas montent l'escalier
Et que surgit dans la soupente
Une horde de gamins déguisés
A la recherche d'accessoires.
Bomber le torse, donner à voir,
Ne plus jamais être oublié !
Tour à tour caddie ou valise
Je suis revenu à la vie
Par le bon vouloir d' Eloïse
Ma toute nouvelle égérie.
Marianne T. - Les deux vie d'un sac à main
Les récits écrits pendant et après l'atelier
Ce n’était pas mon destin.
Je devais être au mieux le supplétif contemplatif d’une formule1 parée de toutes les vertus et d’high-tech attributs.
C’est ainsi que j’ai vécu pendant de nombreux mois sur une table de nuit, délaissée, ignorée, abaissée au rang de remplaçante, de vue de secours.
Mais un jour, l’Autre est passée sous une voiture. Explosée, débranchée !
Et là, j’ai pris de la hauteur, découvert la lumière et le bonheur de me sentir indispensable, incontournable, indissociable de celle qui me portait.
Elle s’est même mise à m’apprécier, bien plus, tellement plus, me semble-t-il, que celle qu’elle venait d’écrabouiller.
Mais comme mon ex alter ego à 800 euros, je traverse mille turbulences et je vis suspendue à des branches irrémédiablement distordues de négligences.
Mais ma solidité me donne une valeur que je ne pensais pas mériter.
De fait, on me pose n’importe où, on me cherche partout, et je gis régulièrement, aussi bien au fond qu’un lit que d’une boite à gants, en vrac sur le canapé ou bien rangée là on l’on n’imaginerait même pas me retrouver.
Mais sans moi, Elle n’est rien. Et Elle le sait.
Dès qu’Elle se réveille, Elle me cherche, et Elle s’endort avec moi.
Sans moi, tout est embrumé, les mots et les visages, flous et lointains.
Je rapproche et clarifie son quotidien, dans un confort auquel Elle tient.
Parfois, je suis son filtre protecteur face à des réalités qui pourraient la blesser et l’aveugler.
Parfois, je l’aide à se cacher.
Je vois pour Elle et alimente son cerveau d’un prisme savamment calibré.
Je sais bien qu’un jour viendra où je serai remplacée.
Depuis quelques semaines, je l’aide à lire la nouvelle ordonnance qui signe mon obsolescence et prescrit ma fin certaine.
Mais Elle résiste et me garde sur son nez, avec reconnaissance et, clairement, sans envie de me quitter..
Pourtant, je sais bien que le jour viendra où je serai remplacée…
Sans m’aveugler, je vois déjà que je resterai à jamais sa paire de lunettes préférée.
Hélène C.
Papi se fait vieux, il voit la vie en noir, n’a plus le goût de rien et n’ose plus sortir de chez lui.
Après des examens médicaux et l’absorption de quelques antidépresseurs bizarroïdes plus tard, le verdict tombe.
Papi n’est pas malade. Ses yeux sont fatigués d’avoir trop vu !
Il a donc besoin de moi, et j’ai besoin de lui.
Je suis navrée pour lui, bien que je jubile intérieurement.
Il avait l’habitude du temps de ses yeux sains de s’adonner à la lecture et moi, j’ai toujours eu envie de littérature, inlassablement.
Et puis je suis émue chaque fois qu’il se lève et me porte, de ressentir l’effet que je lui fais. Il retrouve son âme d’enfant et va jusqu’à se remettre à dessiner.
Il redécouvre également, le visage de sa bien-aimée Madeleine. Elle a vieilli depuis le jour où tout est devenu flou mais il la trouve toujours aussi jolie.
Il la regarde tendrement à s’en user davantage les yeux, je le lui permets.
Ne dit-on pas que les yeux sont le miroir de l’âme. Celle de Papi est plus joyeuse et colorée depuis qu’il m’a adopté.
Ma naissance lui en a offert une deuxième ! C’est une chance qu’il ne laisse pas passer.
Je l’accompagne dans ses derniers voyages. Il choisit des destinations toujours plus magnifiques comme s’il cherchait à imprimer tous ces paysages, ces couleurs, ces horizons, dans un tiroir de sa mémoire, pour le jour ou même avec mon aide, il ne pourra plus voir. C’est un sursis.
Un jour, Papi s’endort devant une banale émission de télévision. Ma fin se résume à des "chiffres et des lettres", quelle ironie !
Papi a fait son temps et j’ai fait le mien.
Je lui en veux un peu, je ne suis pas fatiguée, pas prête à être reléguée au fond d’un sombre tiroir car Papi là où il va, n’aura plus besoin de moi.
Dans quelques temps, ses yeux auront laissé la place à deux orbites vides.
Moi je vais continuer à exister, sans but ! Ne pouvant pas même servir le destin de Madeleine qui n’a pas besoin de moi : correction trop forte, anti-reflet inutile, verres progressifs inadaptés, …
Papi, je t’envie, si toute chose à une fin, j’aimerais ne pas être oubliée au fond du grenier. Je me surprends à rêver d’être broyée avec d’autres objets et d’être recyclée. Mais le mieux serait d’être exposée en l’an 2200, dans un musée, qui sait ! Et devenir l’objet de toutes les curiosités. La dernière relique d'un temps révolu, une énigme pour les futures générations.
Blandine H. - La vie de Papi et puis ?
Lors de ma naissance j’ai eu très chaud puis on m’a refroidi et je me suis endurci.
On m’a orné d’un anneau en métal et d’une cordelette bleue avec un nom et un prénom.
J’ai été offert à un petit garçon de onze ans.
Il s’appelle DANNY.
Dès notre première rencontre, j’ai pu ressentir sa joie à ma vue.
Je pense qu’on va bien s’entendre…
Les vacances d’été sont finies, les choses sérieuses vont commencer.
Du lundi au vendredi Danny et moi ne ferons qu’un.
Le premier jour de la rentrée, j'étais aux premières loges, près de son cœur.
J’entendais tout ! C'était impressionnant.
Ses différents battements de cœur qui s'intensifiaient selon les différentes personnes avec lesquelles il interagissait.
Mon moment préféré c’est quand il me sortait de son sweet quelque minute pour me serrer fort dans sa main. Là je savais qu’il avait besoin de réconfort.
Mon petit Danny est très courageux, il prend le bus seul.
Sa fréquence cardiaque ne s’emballe plus à la moindre nouveauté car il gère mieux ses émotions en conséquence il ne me sollicite plus dans la journée ce qui est très positif quand même.
Les années passent et Danny grandit, il est en troisième maintenant.
Jusque là nous étions assez fusionnels mais je remarque depuis quelque temps que je n’ai plus la même place… je suis passé de son cœur à sa poche ! INCROYABLE !
Une fois il m’a même oublié en classe et je me suis retrouvé aux objets trouvés pendant une nuit qui m’a semblé une éternité.
J’étais là au milieu d'objets bizarres comme des casquettes, des bonnets, des trousses ... Bref, c’était horrible et sale ! J’étais seule sans personne avec qui parler.
Je ne vous cache pas que quand il est venu me chercher le lendemain mes sentiments étaient partagés entre joie et énervement.
C’est vrai que je suis de nature serviable mais je reconnais qu’il peut m’arriver d’être buté alors je fais des miennes et ne coopère pas au premier tour…
Aujourd’hui Danny a eu son bac S avec mention très bien, c’était la fête à la maison.
Depuis peu j’appréhende son départ pour cette école de commerce loin de notre maison.
J’espère qu’il ne m’abandonnera pas.
PS : j’ai entendu son cœur battre très très fort pour une bonne raison : elle s’appelle SANAA.
Victoria P. - Cléa
Quel intérêt m'accordes-tu pataude carapace ? d'où te vient cette manie vénéneuse ? C'est une étrange et subtile sensation sais-tu de se ainsi sentir humé frôlé touché mouillé puis englouti ; j'en suis venu à imaginer que tu me confonds avec ces petits bonbons que les grands-mères d'antan ramenaient de Lourdes, bénis pour carier les dents de leurs chers petits-enfants.
Mais voilà je ne suis pas de cette sorte ; fais gaffe à toi moi c'est minéraux pur jus, pas d'oses dans ma constitution ; pour toi le chou serait plus top.
Ti'bou prends garde à toi, vaudrait mieux ne pas faire joujou avec trop d'insistance, prends de la distance, bouge tes genoux ! Faute de chou régale-toi de quelques trèfles et pissenlits, et si par hasard t'avales un pou planqué sous un brin d'herbe pour toi c'est rien du tout.
File ! oublie-moi ! passe ton chemin !
Même à transiter dans tes viscères je ne serai jamais un bijou moi ! Mais toi tu l'es déjà bijou ; je l'ai bien entendu elle quand elle t'incite à ouvrir le bec, que tu fais la moue.
Geneviève-Hélène - Le caillou s'adressant à la tortue Prunus
Comments